SÉMINAIRE DU SERVICE NATIONAL DE RENSEIGNEMENT PÉNITENTIAIRE

Organisé dans les locaux parisiens de l’Ecole nationale de la magistrature, les 2 et 3 novembre 2023, le séminaire du Service national de Renseignement pénitentiaire dans le cadre des activités du Collège du renseignement en Europe, a réuni plus de 150 invités, dont 30 représentants des services de renseignement pénitentiaire européens, des représentants de tous les services de la communauté française du renseignement, des offices centraux de lutte contre la criminalité organisée et du parquet national antiterroriste (PNAT).

La démarche de comparaison des modèles d´organisation des services de renseignement pénitentiaire en Europe a intégré l’organisation du premier séminaire des services de renseignement pénitentiaire européens et s’est appuyé sur une étude comparée des modèles d’organisation des services de renseignement pénitentiaire en Europe, dont les conclusions ont pu être approfondies lors des diverses présentations, notamment quant aux enjeux de positionnement institutionnel des services de renseignement pénitentiaire ainsi que leurs moyens de collecte d’information et d’analyse. 

Ce séminaire a été l’occasion d’aborder les enjeux actuels du renseignement pénitentiaire en matière d’organisation, de doctrines et de pratiques. Six grandes thématiques ont ainsi été au cœur des travaux :

  • La prise en charge des publics radicalisés ;
  • Les spécificités du milieu fermé pour la mise en œuvre de pratiques du renseignement ;
  • La coopération interservices dans l’interface entre le milieu ouvert et le milieu fermé ;
  • Les interactions entre le renseignement pénitentiaire et l’autorité judiciaire ;
  • La coopération européenne ;
  • L’apport des services de renseignement pénitentiaires à la compréhension des menaces contemporaines.

L’exploration d’autres modèles d’organisation du renseignement pénitentiaire a été l’occasion pour le service français SNRP de nourrir sa réflexion sur son propre fonctionnement ainsi que de partager son savoir faire avec ses partenaires européens. Le SNRP fait figure de modèle unique à l’échelle européenne, tant par l’antériorité de son histoire qu’au regard de ses moyens et finalités. Confrontée à une série d’évènements mettant en cause la sécurité de ses structures au début des années 2000, l’administration pénitentiaire a été amenée à repenser son organisation de la sécurité et du renseignement. Elle a en effet été notamment confrontée à la triple évasion par hélicoptère à la maison centrale de Moulins en juillet 2000, la mutinerie de Clairvaux en février 2003 ainsi que l’évasion spectaculaire du détenu Ferrara à la suite de l’attaque du centre pénitentiaire de Fresnes par un commando armé en mars 2003. C’est toutefois suite à la vague d’attentats de 2015 que sera engagée la création en 2017 d’un authentique service de renseignement au sein du ministère de la Justice et de la Direction de l’administration pénitentiaire.

Ce positionnement institutionnel témoigne la singularité d’un service hybride inscrit dans la double appartenance à la communauté du renseignement et à l’administration pénitentiaire. La rencontre de ces deux cultures qui s’enrichissent mutuellement permet au SNRP de doter l’administration pénitentiaire d’une nouvelle capacité d’analyse des phénomènes sécuritaires qui se déploient en détention. Réciproquement, l’inscription du SNRP dans la communauté du renseignement enrichit la politique publique de renseignement de nouvelles capacités de collecte et d’analyse des enjeux de sécurité nationale auxquels contribue l’administration pénitentiaire. Le SNRP concourt ainsi à la sécurité des établissements pénitentiaires et, au sein de la communauté du renseignement, à la politique de lutte anti-terroriste, à la lutte contre les extrémismes violents et aux politiques de lutte contre la criminalité organisée.

Deux principaux modèles d’organisation du renseignement pénitentiaire

Au terme du séminaire et de l’étude réalisée, deux modèles institutionnels d’organisation du renseignement pénitentiaire ont pu être distingués :

  • La très large majorité des Service européens ne dispose que des informations pénitentiaires collectées par leur administration pénitentiaire de rattachement. Dans ces cas, la création d’un Service de renseignement renvoie davantage à la nécessité pour les administrations pénitentiaires de se doter d’une nouvelle capacité d’analyse des phénomènes sécuritaires qui se déroulent dans les établissements, qu’au développement de services dotés de capacités de renseignement plus secrètes, voire clandestines. Dans ces configurations institutionnelles, ce sont les services de renseignement intérieurs qui mènent les opérations de renseignement les plus intrusives au sein des établissements ;
  • La comparaison a également permis de distinguer un second modèle dans lequel les services de renseignement pénitentiaire disposent de l’ensemble des capacités de recueil propres à un service de renseignement : sources humaines, sources techniques, cyber, partenariales. Dans ce modèle, incarné par les exemples français et britannique, le renseignement pénitentiaire participe tout autant aux politiques menées par les communautés du renseignement, qu’aux politiques pénitentiaires notamment en matière de contre-terrorisme ou de lutte contre la criminalité organisée. Dans cette configuration, le service de renseignement pénitentiaire est pleinement intégré à la communauté du renseignement nationale. Il est apparu au cours du séminaire que la plupart des services qui reposent avant tout l’information pénitentiaire tendent vers ce second modèle.  

Le renseignement pénitentiaire restera un sujet d’étude et d’échanges en Europe. Une mise à jour du questionnaire initialement partagé sera envoyée aux membres du Collège du renseignement en Europe afin d’approfondir les connaissances des différentes expériences nationales. Une note d’analyse stratégique publique contribuera aux études universitaires sur le renseignement et à la visibilité du renseignement pénitentiaire auprès d’un plus large public.