Séminaire Thématique sur le thème « Comment mettre en œuvre les enjeux stratégiques dans le travail de renseignement »

Les 31 mai et 1er juin 2023, la Sureté de l’Etat belge (VSSE) et l’Organe de Coordination de l’Analyse de la Menace (OCAM), avec le soutien de l’Académie Royale Militaire et de l’Institut Egmont, ont organisé un Séminaire Thématique sur le thème « Comment mettre en œuvre les enjeux stratégiques dans le travail de renseignement » rassemblant 80 participants venus de 23 pays et organisations internationales. Cet événement a été lancé le 30 mai lors d’un dîner de bienvenue sous les auspices de l’Administrateur Général Adjoint du VSSE, M. Pascal PETRY, et du commandant de l’Ecole Royale Militaire, l’Amiral Yves DUPONT.

M. François FISCHER, Directeur du Secrétariat Permanent de l’ICE, a souhaité la bienvenue aux participants et leur a rappelé l’importance de la culture stratégique, donnant comme exemple l’Ukraine qui gagnera sa guerre contre la Russie pour avoir changé de paradigme et pris ses distances avec la culture soviétique.

Le Directeur des relations internationales du VSSE a fait quelques observations introductives sur la stratégie : la stratégie et les objectifs sont interconnectés, mais les objectifs doivent être définis avant que la stratégie puisse être développée. La définition d’une stratégie suit donc une logique top-down, à laquelle les militaires en général et les services militaires en particulier sont plus habitués que les autres services, où les événements (tels que des attentats terroristes) ne laissent souvent pas ou peu de temps pour une approche stratégique.

Le Professeur Sven BISCOP de l’Institut Egmont a donné sa vision concernant la question « Qu’est-ce que la stratégie ? » La stratégie a pour but de définir les conditions à remplir pour continuer son mode de vie, tandis que la « Grande stratégie » définit la sécurité nationale d’un pays, et celui-ci mobilisera toutes ses ressources pour la défendre. Les « grandes stratégies » ne sont pas secrètes et n’évoluent pas rapidement non plus, sauf (rare) cas de choc systémique.

Le Colonel Eric KALAJZIC de l’Institut Royal Supérieur de Défense de Belgique a donné un aperçu de « ce qu’est le renseignement stratégique et sa finalité ». Il a défini le renseignement stratégique comme étant l’information nécessaire pour définir des politiques et des plans aux niveaux international et national, se distinguant ainsi du renseignement opérationnel ou tactique. Le renseignement stratégique a besoin d’orientations nationales ou internationales, tandis que le niveau opérationnel du renseignement analyse ces orientations et que le niveau tactique implique une planification concrète.

La représentante roumaine a mis l’accent sur « l’utilisation d’indicateurs dans les processus d’analyse et d’anticipation ». La prospective stratégique, en tant que capacité à anticiper ce qui se passera dans le futur, n’est pas une tâche facile pour les êtres humains, qui sont sujets aux biais cognitifs : imaginer l’avenir n’est pas instinctif et ils ont tendance à trouver l’avenir dans le passé, ou s’attendent à ce que leur homologue réagisse comme eux. La prospective a besoin d’instruments adaptés (les informations classifiées sont pertinentes, mais les informations open source le sont également, car liées au sujet analysé) et de gérer les attentes : les erreurs sont aussi des occasions d’apprendre, de s’améliorer et de s’adapter.

Deux praticiens de haut niveau, le conseiller stratégique du GISS néerlandais et le responsable de la prospective stratégique de (ACOS Strat.) du ministère belge de la Défense, ont ensuite présenté « des méthodes efficaces pour identifier les défis stratégiques » :

  • Notre collègue néerlandais a détaillé une méthode efficace de construction de scénarios utilisée pour éliminer les préjugés cognitifs, culturels ou institutionnels, les angles morts et la vision en tunnel, grâce à un certain nombre d’étapes systématiques. Cette méthode ne se concentre pas sur l’aspect prévisible mais le caractère concevable des évolutions à venir.
  • Notre collègue belge a détaillé l’intérêt de l’analyse prospective stratégique, qui examine les interactions entre les moteurs du changement et offre une vision large mais utile sur l’avenir dans les domaines social, technique, environnemental, économique et politique.

Le directeur p.i. de l’Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace belge (OCAM/CUTA), a souhaité la bienvenue aux participants de la deuxième journée du séminaire. Il leur a rappelé l’importance de définir des priorités dans l’anticipation des menaces et la prévention des crises, ainsi que d’établir une coopération efficace avec les partenaires. Il a insisté sur la nécessité de disposer d’un système robuste de partage de renseignements et sur la nécessité d’investir dans des technologies telles que l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique et l’analyse des données pour fournir des résultats exploitables aux décideurs.

Deux intervenants du Cabinet Office britannique ont expliqué le « lien entre politique et opérations : comment traduire les défis stratégiques en action de renseignement ». Après une présentation de la politique de renseignement en général et du rôle joué par le Cabinet Office en particulier, ils ont détaillé l’approche intergouvernementale et intercommunautaire adoptée, depuis le groupe dédié à la sécurité nationale jusqu’aux apports opérationnels qui en découlent.

Dr Christiane HÖHN, conseillère principale du coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, est intervenue sur « comment avoir une approche globale ? » Elle a abordé la manière de définir les objectifs stratégiques en contreterrorisme, en insistant sur l’importance des contributions en matière de sécurité et de renseignement, et la nécessité de les transformer en actions et en outils, et comment les opérateurs peuvent influencer les choix stratégiques.

Le conseiller stratégique du ministère belge des Affaires étrangères a abordé des « Réalisations pratiques – la stratégie belge de sécurité nationale ». Après avoir énuméré les six intérêts vitaux du Royaume de Belgique, il a rappelé que la sécurité nationale est un document cadre qui reste général (les stratégies de contreterrorisme ou de défense étant des sous-stratégies). Tous les six mois, tout le personnel est examiné afin d’évaluer la réalisation de ces priorités.

M. Wiktor STANIECKI, Adjoint au Chef de la Division Politique de Sécurité et de Défense du Service européen pour l’Action Extérieure (SEAE) a présenté « la Boussole stratégique de l’UE ». Ce document contient ainsi une évaluation publique de la menace qui rassemble les principales conclusions de l’analyse de la menace pour l’UE fournie par le SIAC, des propositions concrètes avec des dates cibles précises, et prescrit un processus d’examen régulier au niveau du Conseil et des Conseils européens.

M. Cesar BALGUERIAS, Conseiller Politique du Directeur de l’INTCEN, a présenté la position du SIAC (Capacité Unique d’Analyse du Renseignement) dans la stratégie de sécurité de l’UE. Le SIAC a fourni aux institutions européennes une « Analyse des menaces » en 2020, puis une version révisée en 2022, qui intègre les analyses stratégiques des menaces fournies par les services nationaux et les inscrit dans un contexte multilatéral.

La Directrice de l’Unité de production de renseignement(IPU) du Département conjoint de Sécurité et de Renseignement (JISD) de l’OTAN a présenté le « concept stratégique de l’OTAN », une approche à 360 degrés incluant une forte collaboration tant entre les Alliés qu’avec les partenaires de l’OTAN. Elle a abordé des projets de collaboration avec des partenaires de l’OTAN sur les menaces hybrides, la cybersécurité, l’espace, la manipulation des démocraties et l’utilisation de la technologie contre nos forces armées.

Conclusion

En raison du grand intérêt de la thématique proposée, de son atmosphère informelle et de sa configuration diversifiée, réunissant des praticiens du renseignement, des universitaires, des think-tankers et des décideurs (destinataires du renseignement stratégique ou personnes impliquées dans la priorisation), le Séminaire Thématique a été à la fois intensif et intense. Ce séminaire a permis aux participants de poser leurs questions et d’aborder des problématiques liées à leur travail quotidien, ainsi que celles qui leur semblent les plus importantes, le rendant particulièrement interactif. Ce premier séminaire du Collège organisé à Bruxelles montre également tout l’intérêt de tels événements qui permettent de mener certaines actions de sensibilisation vers l’UE et de souligner le haut degré de coopération au sein de notre communauté européenne du renseignement et de sécurité.