Outre ses activités régulières (Séminaires thématiques, Sensibilisation et Programme académique), le Collège organise un ou plusieurs événements spécifiques dans l’année et participe également à d’autres.
De nature différente (cérémonies officielles, rencontres ponctuelles sur des thématiques intéressant le renseignement, notamment.), tous les événements impliquant le Collège peuvent être consultés ici.
Dernier événement
Entretien avec l'ancienne directrice du CRE, Yasmine Gouédard
1 - Qu'est-ce qui vous a initialement attiré vers le CRE, et qu'est-ce qui vous a motivé à assumer le rôle de Directeur du Secrétariat Permanent ?
Être la première candidate au poste de Directeur du Secrétariat permanent du Collège du Renseignement en Europe (CRE) a été, pour moi, un grand honneur et une expérience inoubliable.
J’ai accepté cette candidature avec beaucoup d’humilité, mais avec surtout beaucoup d’enthousiasme.
Inscrit dans la droite ligne du discours de la Sorbonne de 2017, que je continue à considérer comme l’un des plus importants discours de ces dernières années sur l’Europe, le projet de Collège du Renseignement en Europe, qui réunit aujourd’hui près d’une trentaine de pays, est non seulement un défi, mais aussi une très grande ambition. Avec le recul, lorsqu’il m’arrive de penser à mes 2 années à la tête du Secrétariat permanent du Collège du Renseignement en Europe, je suis fière d’avoir participé à cette aventure et d’avoir accompagné le Collège dans ses premiers pas.
2 - Avec du recul, quels considérez-vous comme les plus grandes réalisations du CRE durant votre mandat en tant que Directeur ? Y a-t-il des initiatives ou des développements spécifiques que vous avez trouvés particulièrement marquants ?
En tout premier lieu, je souhaite rendre hommage à ceux qui ont été nos précurseurs dans le lancement du projet. A la suite du discours de la Sorbonne, il a fallu donner vie à un projet inédit et sans précédent. Cette équipe de précurseurs a su relever le défi, avec beaucoup de courage et d’investissement. Nous ne devons pas oublier ce que nous leur devons.
Pour ma part, j’ai pris mes fonctions alors que nous étions encore très fragilisés par la pandémie Covid. Le vrai défi a été de consolider le projet dans un contexte qui ne permettait ni les voyages ni une véritable mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés.
Grâce à la petite équipe réunie à mes côtés, dont je souhaite saluer le travail et l’extraordinaire résilience, nous avons été au-devant de chacun de nos interlocuteurs (en utilisant tous les moyens à notre disposition, mails, appels téléphoniques, vidéo conférences), afin d’expliquer le projet, ses enjeux, les différentes étapes-clé, mais aussi notre stratégie.
L’initiation de ce dialogue, bâti sur la confiance et l’empathie, nous a permis, dès la levée des derniers obstacles liés au Covid, de lancer rapidement séminaires, conférences, et publications.
Pendant la durée de mon mandat, nous avons construit le site internet. Nous avons organisé, à Paris, le premier comité de pilotage du Collège. Nous avons pris une part active au Forum « Fabrique Défense » et pu ainsi présenter, à de très nombreux jeunes, le rôle du collège dans la construction d’une culture stratégique autonome en Europe. Nous avons enfin, à l’occasion de cet événement, organisé une table ronde, en présence de hauts responsables des services de renseignement et du Coordinateur à l’occasion de cet événement national du renseignement et de la lutte antiterroriste, M. Laurent Nunez.
Je n’oublie pas mon dialogue initié avec l’IFRI pour le lancement d’un cycle de conférences autour du renseignement et je suis fière de voir ce projet désormais concrétisé, tout comme je suis fière de voir la collaboration aujourd’hui active entre des structures universitaires et le Collège. Je sais l’important travail conduit pour parvenir à cet objectif et le Secrétariat permanent ne peut qu’être reconnaissant vis-à-vis de tous ceux qui se sont investis sur ce dossier sensible.
3 – Coordonner 31 pays et leurs services de renseignement respectifs au sein d'une institution nouvellement créée n'est pas une mince affaire. De votre point de vue, quel a été l'aspect le plus difficile de cette coordination et qu'est-ce qui vous a le plus impressionné ?
Oui, coordonner les services de renseignement de plus d’une trentaine de pays n’est pas une mince affaire. Je pense toutefois qu’il est plus facile de coordonner des services de renseignement que d’autres services de l’État, car quelles que soient nos différences « idéologiques », nous parlons, malgré tout, la même langue et faisons face, aujourd’hui, aux mêmes défis et mêmes menaces.
Il a fallu bien sûr convaincre ceux qui avaient quelque interrogation sur le bien-fondé du Collège, mais ce qui l’a emporté, c’est une prise de conscience collective du rôle que les services de renseignement, par-delà leurs missions opérationnelles, ont à jouer dans la construction de notre Europe politique et d’une vision stratégique commune.
Au travers des nombreux échanges que j’ai eus pendant mon mandat à la tête du Secrétariat permanent, ce qui m’a sans nul doute le plus impressionnée, c’est la qualité des hommes et des femmes qu’il m’a été donné de rencontrer. J’ai découvert des cultures que je ne connaissais pas, celles notamment des pays de l’Europe du Nord, dont je veux saluer ici la justesse des analyses. J’ai vu l’engagement et l’investissement de très hauts responsables, de la Croatie qui occupait la présidence du Collège à mon arrivée et m’a apportée un soutien indéfectible, de l’Italie qui a repris la présidence un peu avant mon départ avec un sérieux que je veux saluer ici, de la Roumanie et de l’Espagne investies d’une manière incroyable en particulier sur le dossier universitaire. Je n’oublie pas l’Allemagne dont le rôle dans la phase initiale du projet a été déterminant.
Je veux ici adresser mes plus sincères remerciements à tous ceux qui m’ont apporté leur soutien et qui, par leur engagement, leur humilité mais aussi la force de leurs convictions, ont donné du sens à mes combats.
4 – Quels conseils donneriez-vous pour continuer à développer et renforcer la culture du renseignement européen ?
Nous devons investir dans la jeunesse et tout ce qui peut être fait pour créer des synergies entre cadres de même génération ne peut qu’être bénéfique pour renforcer une culture commune du renseignement. Les programmes de formation qui se développent aujourd’hui au sein du Collège sont une chance et un gage de succès pour notre projet.
Nous devons aussi inventer, inventer des sujets de synergie, inventer de nouveaux modes opératoires au sein du Collège, inventer de nouveaux outils pour renforcer notre cohésion. Comme l’écrit le philologue et philosophe Heinz Wismann, « l’Europe n’appartient qu’à ceux qui osent la réinventer » et le monde du renseignement est au premier chef concerné.
Les actions conduites par le Collège sont encourageantes et porteuses d’avenir. Je ne puis que féliciter mon successeur et l’équipe aux commandes du Secrétariat permanent pour tout le chemin parcouru au cours de ces bientôt 3 dernières années.
5 – Quelle est votre vision pour l'avenir du CRE et qu'espérez-vous qu'il accomplisse dans les années à venir ?
Les bouleversements auxquels notre monde est aujourd’hui confronté impactent en profondeur les services de renseignement. Le Collège du Renseignement en Europe doit être un outil pour accompagner ces évolutions et les ruptures dont nous sommes témoins.
Il doit s’imposer comme point de passage obligé dans le parcours des cadres du renseignement en Europe et devenir, à terme, une véritable école d’État-Major du renseignement européen (je dis bien renseignement européen). Mais notre ambition doit aller au-delà. Le Collège du renseignement peut aussi jouer un rôle d’éclaireur. Face à une actualité qui conduit à négliger les thématiques du futur, le Collège doit sortir des sentiers battus, anticiper et imaginer l’inimaginable. Nos différents angles de vision, nos différentes cultures, les différentes histoires qui nous ont façonnés sont un fantastique atout pour penser ensemble l’avenir et nous réinventer face au monde extérieur. Face à ce grand défi, les services de renseignement européens sont plus que jamais des acteurs à part entière et, à ce titre, le Collège du Renseignement en Europe mérite toute l’attention que nous lui portons.